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Assata Shakur : décès de la militante révolutionnaire américaine en exil à Cuba
Cuba a annoncé la mort de Joanne Deborah Byron, plus connue sous le nom d’Assata Shakur, figure emblématique de la lutte révolutionnaire noire américaine, exilée depuis plus de 40 ans à La Havane.
Une militante révolutionnaire en exil à Cuba
Le vendredi 26 septembre 2025, le ministère cubain des Affaires étrangères a confirmé la disparition d’Assata Shakur, de son vrai nom Joanne Deborah Byron, à l’âge de 78 ans. Connue également sous le nom de Joanne Chesimard, elle avait trouvé refuge à Cuba en 1984 après une évasion spectaculaire d’une prison américaine. Depuis, elle vivait sur l’île en tant que réfugiée politique, protégée par les autorités cubaines qui avaient refusé toutes les demandes d’extradition émises par Washington.
Le communiqué officiel précise : « Le 25 septembre 2025, la citoyenne américaine Joanne Deborah Byron, alias Assata Shakur, est décédée à La Havane, des suites de problèmes de santé et de son âge avancé. »
Lien avec Tupac Shakur et héritage militant
Assata Shakur n’était pas seulement une militante politique, elle était aussi la tante du rappeur américain Tupac Shakur, assassiné en 1996 à Las Vegas. Dans les années 1970, elle avait appartenu au Black Panther Party, organisation révolutionnaire afro-américaine qui militait pour les droits civiques et l’autodéfense face aux violences policières.
Des Black Panthers à l’Armée de libération des Noirs
Très impliquée dans les causes sociales et politiques, Assata Shakur rejoint d’abord le Black Panther Party, mouvement qui organisait des programmes communautaires (cantines gratuites, cliniques de quartier, soutien scolaire) tout en dénonçant la brutalité policière.
Mais face à la répression intense du FBI et au démantèlement progressif du mouvement, une frange radicale des militants prend la décision de basculer dans la clandestinité. C’est dans ce contexte que naît l’Armée de libération des Noirs (Black Liberation Army – BLA), qui prônait la lutte armée comme moyen de résistance.
Convaincue que les voies légales ne suffisaient plus à faire avancer la cause, Assata Shakur intègre alors la BLA. Ce choix marquera profondément son parcours, la plaçant dès lors dans le collimateur permanent des autorités américaines.
L’affaire du New Jersey : des accusations sans preuves
Le 2 mai 1973, une fusillade éclate dans le New Jersey entre des militants noirs et la police. Un policier perd la vie. Grièvement blessée, Assata Shakur est arrêtée et accusée d’être l’auteur du tir mortel. En 1977, elle est condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité par un jury entièrement blanc, malgré l’absence de preuves matérielles.
Assata Shakur n’a cessé de clamer son innocence, soulignant les irrégularités du procès et les méthodes répressives du FBI dans le cadre du programme COINTELPRO, destiné à infiltrer et détruire les mouvements révolutionnaires noirs. Aucun élément n’a jamais démontré qu’elle ait porté une arme lors de la fusillade.
Harcèlement judiciaire et évasion spectaculaire
Au cours de sa détention, Assata Shakur a été incarcérée dans des prisons de haute sécurité et affirme avoir subi la torture. En 1979, avec l’aide de soutiens, elle réussit une évasion spectaculaire avant de rejoindre clandestinement Cuba en 1984.
Installée à La Havane, elle a bénéficié de l’asile politique. Malgré les pressions de plusieurs administrations américaines, Cuba n’a jamais cédé aux demandes d’extradition.
Une « terroriste » pour les États-Unis, une héroïne pour ses soutiens
Le FBI a classé Assata Shakur parmi les « terroristes intérieurs » en 2005, offrant une récompense d’un million de dollars pour sa capture. En 2013, elle devient la première femme inscrite sur la liste des « terroristes les plus recherchés ».
À l’inverse, ses partisans la considéraient comme une figure de résistance, victime de persécution raciale et politique. Dans une lettre ouverte publiée en 2014, elle écrivait :
« Je suis une esclave en fuite au XXe siècle. Persécutée par le gouvernement, je n’ai eu d’autre choix que de fuir la répression politique, le racisme et la violence qui dominent la politique américaine envers les Noirs. »
Une figure toujours controversée
Assata Shakur est restée une personnalité clivante. Pour ses soutiens, elle incarnait la mémoire vivante des luttes afro-américaines et la résistance contre l’injustice sociale. Pour les autorités américaines, elle représentait un symbole de la radicalité politique et de la violence militante des années 1970.
À Cuba, où elle a vécu plus de 40 ans, elle s’était intégrée comme écrivaine, poétesse et conférencière, continuant à témoigner de son engagement militant. Le quotidien officiel cubain Granma lui a rendu hommage en la décrivant comme « une mémoire de résistance et une militante dévouée, malgré la persécution américaine ».
Héritage et mémoire
La disparition d’Assata Shakur soulève de nouveau le débat sur les années de plomb du militantisme noir américain, la répression politique orchestrée par le FBI et la question des droits civiques.
Elle laisse derrière elle un héritage complexe, entre icône révolutionnaire et figure recherchée. Son combat pour la justice et son exil cubain continueront d’alimenter les débats, tant aux États-Unis qu’à l’international.
La mort d’Assata Shakur marque la fin d’une vie hors du commun, faite de luttes, de controverses et d’exil. Pour ses partisans, elle restera une héroïne ayant défié un système qu’elle jugeait oppressif. Pour ses détracteurs, elle restera une fugitive condamnée pour meurtre.
Quoi qu’il en soit, son nom restera inscrit dans l’histoire des luttes révolutionnaires afro-américaines et des relations complexes entre Cuba et les États-Unis.






















